12 octobre 2005

L'Ephémère et l'Eternel : partie 2

Courir. Dans de longs corridors sombres. Une masse grouillantes de petits êtres derrière. Panique. Sueur. Un croisement. Choisir, vite. A droite. Mauvais choix ! Une dizaine d'hideux trolls sont la. Shtac, un bruit de sarbacane. Douleur dans l'épaule. Ceux de derrière arrivent. Horrible douleur dans le ventre. D'ailleurs, un manche de lance en ressort. Des lames transpercent, découpent. Je meurs. Et une voix : "Peuple de l'ombre, sombres desseins, sombre destin. Meurs."

"Aaaaaaaah". Jon se redressa en hurlant.

Il etait allongé sur un banc, dans une station de sub-urb. Depuis combien de temps dormait-il ? Environ six heures, et la nuit devait deja etre fort avancée, vu que la station etait vide. Jon avait eu du mal a dormir, mais encore une fois, son somnifère préféré l'avait bien aidé. C'est vrai qu'une bouteille de whisky, ca assome, meme avec une foule autour de soi.
Quel sale cauchemar.
L'ambiance métro devait y etre pour quelque chose.
Jon, même si il était né en ville, avait grandi depuis l'age de six ans dans les convois d'Alters qui parcourait l'Europe, prenant le rôle d'agitateur. C'était les plus actifs, les militants, ceux qui délaissaient les tranquilles camps ruraux qui parsemaient le monde pour aller semer le trouble dans les pays de l'OMA. Sa mère les avait rejoints au début par haine, de l'Etat francais, qui lui avait pris son logement pour faire un centre commercial, a la suite de quoi elle avait perdu son emploi de jardinière. Mais elle avait peu à peu embrassé leur cause, devenant une des plus actives, tandis que Jon grandissait parmis les activistes.
Il n'était donc pas habitués a ces odeurs, ces bruits, ce décor.
Mais peu importe.

Où aller ? Depuis cette freeparty si étrange, il ne savait plus que penser, et surtout, il avait peur. Réellement peur. C'était il y a maintenant treize jours. Il n'avait fait qu'errer dans Paris, se cachant a moitié, et il commencait a être réellement repoussant.
Regardant le panneau-horaire, il vit qu'il etait plus de deux heures du matin, puisqu'il n'annoncait plus de nacelles.
Soit, il irait a pied, ca ne serait pas la première fois.
Sautant sur les rails, Jon pénetra dans les tunnels obscurs, laissant sa main droite courir le long du mur, au cas ou des lumières seraient défectueuses.

"Quel flip." pensait-il, entendant des echos de pierres roulant au loin.

Cela faisait certainement plus d'une heure qu'il marchait.
Et il était perdu.
Après avoir passé quelques embranchements et autres stations, il était arrivé a un croisement où aucun éclairage ne fonctionnait, et avait pris une mauvaise bretelle.
Ou en tout cas, pas celle qu'il voulait.

"Putain, ca craint !" dit-il a voix basse.

Comment faire pour sortir ? Le temps commencait à manquer, et lorsque les nacelles viendrait, sortir deviendrait plus que dangereux. On lui avait déja raconté des histoires sur des types allés poser des bombes dans les galeries du métro qui s'étaient fait surprendre, et qui avaient fini déchiquetés par les nacelles haute-vitesse.

Cling.

"Bon, on va appliquer la technique du "je prend toujours a droite". Ca marche forcément. Normalement."

Cling.

"Et en plus, j'ai la chaussure mouillée. C'est trop con, surtout qu'il faut le faire pour tomber sur de l'eau dans le sub..."

Cling.

Jon se retourna d'un coup.
Il n'avait pas fait attention aux précedents bruits, mais il remarquait a présent que c'etait toujours le même, qui se répetait. Fouaillant l'obscurité de ses yeux ecarquillés, il tentait de voir l'invisible, de déceler un mouvement dans cette masse d'air immobile.
Qui, d'ailleurs, devenait plutôt oppressante.
Il marchait a présent a reculons, et la peur montait. Inexorablement.
"Adieu, et reste méfiant...".
N'était-ce pas ce que lui avait dit l'étrange apparition, a Longchamp ? D'un geste brusque, il sorti son couteau papillon de son treillis, la main tremblante. Après quelques cliquetis plutot bruyants dans cet épais silence, il le dardait vers ce mur noir, pour se rassurer. Le vent, ou un courant d'air, soufflait. Jon tendit l'oreille, pour ne pas se laisser perturber par ce souffle.
Et il entendit.
Juste un murmure. Ténu, mais présent. Les mêmes mots sans cesse répeter. Et cette fois-ci, il ne rêvait pas.

"Le peuple de l'ombre..."